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muta d'accento e di pensiero
28 octobre 2012

3 mois ou l'enfer

Il est militaire et il est parti 3 mois en déplacement.

Avant de partir il a dit:

"Mais non ça va vite passer"

Elle répondu:

"Tu rigoles, c'est interminable!"

Il a dit:

"Mais pourquoi tu pleures? Puisque je reviendrai".

Son interprétation de ses émotions à elle est toujours la même. "Ce n'est pas grave..." - "il n'y a pas lieu de..." - "tu exagères...".

En revanche elle, elle attend: "Oui je comprends tes émotions, ce n'est pas évident pour toi..." - "Pleure ma doudou, ça va te faire du bien, je sais que ce n'est pas facile..." - "pour vous les femmes ce n'est jamais facile..."

Elle est une femme incroyablement simple. L'interrupteur de désamorçage de ses émotions et inquiétudes est bien rouge, bien gros, et il est facile d'appuyer dessus avec des mots carressants et des gestes tendres.

Un "toi aussi tu me manques " en réponse à "tu me manques" par exemple suffirait à la confondre d'aise pendant toute une soirée. Au lieu de ça elle obtient (si le "tu me manques"  a été dit au téléphone), un "oui oui" coincé suivi d'un silence, le sien (qui est de l'ordre de l'attente et du dépit) et de celui de l'homme (qui trahit l'embarras du mec qui n'ose pas dire qu'elle ne lui manque pas et qu'il se trouve bien dans son Oûtre Mer). Si le "tu me manques" a été envoyé par sms, elle aura un:

"bisous beauté"

ou un:

"miaou" (un petit code inventé par lui pour éviter de dire je t'aime)

ou alors un:

:)


S'ensuivent généralement plusieurs heures de pure inquiétude féminine (pendant que l'autre, de son côté, soit se rendort, soit continue à bosser, soit se remet à son ordi ou se remet à discuter avec son pote de chambre, ou bien reprend le bouquin qu'il avait momentanément laissé sur sa serviette de plage). L'inquiétude prend des proportions inquiétantes. On en mesure l'intensité au nombre de cigarettes consumées en l'espace de 2 heures. Le téléphone portable est d'abord consulté toutes les 5 minutes, puis jeté de rage au loin (mais sur le lit ou le canapé, de peur de le casser), puis mis en silencieux afin d'éviter l'attente de la sonnerie, et enfin éteint.... rallumé au bout de 10 minutes, rééteint.

Pendant qu'elle se morfond à élaborer des stratégies d'éloignement purement factice destiné à éveiller sa jalousie à lui ou ne serait-ce qu'un embryon de "besoin" affectif, il est toujours dans son bouquin, sur son ordi et le temps passe relativement vite. Elle a épuisé son cerveau, il a économisé le sien, elle a construit mille hyptohèse, la seule qu'il ait vaguement construite et instantanément mise de côté et oublié c'est un "j'aurais peut-être dû lui répondre moi aussi, elle va mal le prendre". Et encore on peut dire que cela fait peut-être aussi partie de ses hypothèses à elle.

Le temps passe, il est l'heure pour lui d'aller se coucher. Il lui envoie un:

"dodo time pour bibi, je vais me coucher. passe une bonne nuit beauté, bisous".

Qu'elle reçoit alors qu'elle a épuisé son paquet de clopes et ses hypothèses à milliers.

Il pose la tête sur l'oreiller, et s'endort avant d'arriver à compter jusqu'à zéro.

Elle se tourne et se retourne dans son lit, s'endort, se réveille à 2h, s'énerve parce qu'elle n'arrive pas à se rendormir et que les pensées dans son cerveau s'imbriquent comme les dominos d'une partie de tétris sur la game boy, et qu'ils s'imbriquent mal.

Les 3 mois sont une alternance des moments où il va faire de la rétention d'affection et la maintenir en respiration artificielle par des sms constants, réguliers mais dont le contenu est de l'ordre du minimum syndical en terme de mots tendres, et des moments où il va soudainement se réveiller, lui envoyer deux cartes postales tendres, lui demander des photos, lui en envoyer quelques unes où il va se trouver moche (mais il envie de lui faire plaisir...).

Elle ne comprend pas sa courbe dans l'expression des besoins et des émotions. Sinusoïdale.

La sienne en revanche est tellement constante.

Du coup lorsqu'il se réveille, elle le suit et se sent tellement légère, elle répond tendrement, elle répond à ses besoins à lui (et aux siens propres également puisqu'ils se mouraient dans un désert affectif. On n'a pas idée de ce qu'un torrent d'eau fraiche parvient à faire à des plantes laissées pour mortes et enterrées).

Et puis il retombe dans son minimum syndical.... pour x raisons qu'elle ne connaîtra jamais (mauvais humeur passagère, besoin de se retirer dans sa grotte, marre de la cohabitation avec les autres, prise de tête avec son chef ou tout simplement épuisement de ses besoins).

Et les hypothèses reviendront s'imbriquer dans un tétris niveau très avancé, une partie perdue d'avance tant le rythme est soutenu. pas le temps d'en recevoir une qu'une autre arrive alors qu'elle n'a pas encore "casé" intelligemment celle d'avant.

C'est l'enfer.

Vécu de cette manière c'est l'enfer oui.

Et un jour où elle le lui reproche il lui dit:

"mais je ne veux pas être pour toi un sujet de préoccupations..."

Et il lui dit:

"moi je ne m'inquiète jamais tu sais?"

Et la boucle est bouclée, on revient au point de départ, ce "moi je" qui incite à suivre un exemple, le sien.

C'est tellement plus simple de demander aux autres qu'ils veuillent bien vous suivre plutôt que de faire l'effort de suivre les autres dans leurs différences et leur complexité.

Mais voilà, c'est lui. Et elle lui pardonne, encore et encore, parce qu'au fond elle sait aussi où sont ses tords à elle (qu'elle reconnait mille fois toujours avant de s'endormir), elle sait où sont ses qualités, elle sait qu'il reviendra, reprendra "forme humaine", ôtera ce brouillard d'incertitudes et d'hypothèses dans lequel elle l'a enfermé pendant 3 mois.

 

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