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muta d'accento e di pensiero

26 janvier 2014

Un matin, salle des photocopieuses. Mathieu, déjà

 

 

 

Un matin, salle des photocopieuses. Mathieu, déjà mentionné sur ce blog, professeur de physique-chimie, et responsable un peu malgré lui de tout ce qui a trait à l'informatique dans l'établissement, est déjà présent dans la salle, occupé à massicoter ses feuilles de TP sur la convergence et la divergence des lentilles.

C'est à ce moment que rentre Prof Larguée.

Prof Larguée a une soixantaine d'années, sinon un peu moins. Elle fait partie de ces femmes qui ont abandonné, avec la cinquantaine, toute volonté de paraître encore attirante. Elle s'habille comme une vieille, se coiffe comme une vieille et elle dit à tout bout de champ "oh tu sais, à mon âge..."

Tout en faisant ses photocopies elle avise Mathieu, 28 ans, et elle lui dit qu'elle aurait besoin de lui parce qu'elle vient de s'acheter un ordinateur portable et qu'elle n'y comprend rien, que ça n'a rien à voir avec le fixe et patatoin.

En fait Prof Larguée manifeste ce qu'on pourrait appeler le syndrome de la perte des repères. Enlevez à un vieillard son appareil radio usagé et remplacez-le par un autre et vous verrez ce que cela provoque. Rare sont les vieux qui d'un coup, et sans qu'on ne leur montre rien, comprennent qu'il faut dorénavant appuyer sur un bouton on/off au lieu de tourner une manette, appuyer sur un autre bouton tout en surveillant l'écran digital pour programmer ses ondes favorites, et enfin appuyer sur un bouton pour réguler le volume du son (au lieu de sa chère manette favorite qu'il utilisait 50 fois par jour quand bobonne lui disait "baisse ta radio tu nous casses les oreilles").

Mathieu, agacé qu'on puisse le confondre avec un technicien informaticien au service de tous et dont la bonne volonté est si évidente qu'on ne daigne même pas se demander si éventuellement il a le temps et l'envie de dépanner les collègues et leur PC , répond un peu sèchement qu'entre ordinateur fixe et ordinateur portable la différence n'est pas si flagrante. Et il lui demande ce qui la dérange. Et elle, embourbée dans son syndrome de perte des repères, répond:

"oh ben tout, c'est un peu tout quoi!"

Et elle s'en va après avoir mis hors d'usage la photocopieuse.

Le lendemain, lors d'une séance de formation au nouveau logiciel de gestion des notes et des bulletins organisée par ledit Mathieu, c'est madame A, à la veille de sa retraite, qui présente des signes plus qu'évidents de perte des repères.

Alors, en ce qui la concerne, jamais personne ne lui a enlevé son vieil appareil favori afin de le remplacer par un autre étant donné qu'elle ne s'est jamais informatisée et qu'elle s'en vante. Elle me répète dix fois tout au long de la séance:

"de toutes les façons j'ai pas d'ordinateur chez moi et puis je me sers pas d'internet, alors bon....."

En début de séance elle déclare avoir oublié ses lunettes. Elle se trompe dans son mot de passe, ne sait pas ce qu'est un "identifiant", et, tandis que les autres en sont déjà la page d'accueil du nouveau logiciel, elle tape et retape ses codes d'accès. Je finis par le faire pour elle. Puis elle tente de suivre les explications de Mathieu qui, lui, fulmine dans son coin. Et à chaque fois elle répète "bon je vais le noter car sinon c'est pas la peine, j'oublie tout". Et de griffonner sur une petit bout de papier des indications qu'elle ne comprendra de toutes les manières jamais!

Mathieu passe derrière moi et me glisse un "aide-la" discret, ce qui équivaut à un "aide-moi" à peine dissimulé.

Mais madame A n'est pas au bout de ses peines, il faut encore qu'elle retape son code d'accès parce qu'elle est sortie du programme, et cette fois elle se trompe plus de 3 fois. Une rumeur de mécontentement commence à parcourir la rangée des professeurs concentrés, 4 d'entre eux ont perdu la connexion et madame A en est responsable (en partie! cela n'aurait dû advenir que sur son ordinateur). Sa voisine, qui, à ce moment là s'intéressait à la différence entre moyenne brute et moyenne nette, lui beugle un "mais t'éxagère!" et madame A me répète pour la énième fois:

"ah bah je n'ai pas d'ordinateur chez moi alors....."

Pour finir par dire:

"Je ferai comme l'an dernier je demanderai à un collègue de me rentrer les notes sur l'ordinateur", puis elle prend son calepin, répète qu'elle n'a pas ses lunettes et qu'elle doit tout écrire autrement elle ne se souviendra pas!

Mathieu est un volcan dont l'explosion ne demande qu'à s'exprimer, un peu comme le Vésuve.

"Mais c'est pas vrai, elle l'a fait exprès" me dit-il après le cours alors que je me marre. "non mais c'est pas possible quoi, tu as des boulets en cours normal avec tes élèves et tu en as aussi dans ce type de formation, avec des profs!" ajoute t-il ulcéré.

Le lendemain je le vois, à 13h, se dirigeant vers la salle info, il a encore un inscrit au tableau de sa formation, une certaine madame M. Et il demande à sa collègue de physique si elle connaît cette madame M.

Eh oui c'est encore une prof à la veille de la retraite et plutôt atteinte de perte des repères. En tout cas c'est ce que confirme la collègue, hilare, tandis que je lance un "ne va pas dispenser ton savoir en maison de retraite" à un Mathieu qui jure que pourtant il a de la patience, mais trop c'est trop.

Et je me souviens, en 2001, lors d'un cours d'informatique que je suivais à Trieste, de l'impatience plus qu'évidente manifestée par les formateurs à l'encontre d'un vieillard de 83 ans qui en était à son deuxième cours "utilisation du PC niveau débutant" et dont les progrès n'allaient visiblement pas plus loin qu'une manipulation correcte de la souris.

Et c'est là qu'une idée me vient.

A l'iufm, ils devraient envoyer leurs stagiaires dispenser des cours sur leur matière  une ou deux heures par semaine dans des maisons de retraite. Le module s'intitulerait :"acquisition d'une patience professorale irréprochable ou comment enseigner à un public difficile en milieu hostile". Il y aurait ensuite des tables rondes sur le sujet, des cellules de crise psychologiques pour les plus fragiles où un psychologue, au lieu de disserter sur le besoin du jeune à garder son blouson en cours, expliquerait les mécanismes de l'apprentissage impossible chez le sujet du troisième et quatrième âge.



 

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27 octobre 2013

relations à distance

textos

 

11 déc, 2012 06:38:18

(nana)

 

Je suis dans mon lit, réveillée j'attends que le réveil sonne. J'en profite pour te faire un gros bisou :)

 

11 déc, 2012 06:54:12

(mec)

 

Good morning belle blonde! Et c'est parti pour une journée d'instruction. Bisous :)

 

11 déc, 2012 09:57:32

(nana)

 

Pause. Pour moi ce sera...un café! Non pas un café du thé.... Non ce sera un bisou... Que j'envoie à Léo. Bisou

 

11 déc, 2012, 11:37:32

(nana)

 

Ca fait du bien de rentrer au calme chez soi pour manger :) bisous et miaou et bon appétit mon coeur

 

11 déc, 2012, 13:35:33

(mec)

 

Bisous ma beauté ;)

 

11 déc, 2012 15:44:35

(mec)

 

Et le bisou de la pause! Ce soir sinon c'est poker. J'ai vu et revu avec mon secrétariat pour l'histoire du congé parental, trop long à expliquer par SMS! Je t'en parlerai par tph à l'occasion.

 

11 déc, 2012 18:17:14

(nana)

 

Miaou

 

11 déc, 2012 18:18:12

(mec)

 

Je te textotais justement :D

 

11 déc, 2012 18:22:35

(nana)

 

Ah ok et? Lol je ne reçois rien :D

 

 

11 déc, 2012 18:26:46

(mec)

 

lol! Juste un sms de fin de journée. Mais comme tu m'as écrit j'en ai déduit que tu es toujours en vie, du coup j'ai effacé. Mais tu as droit à un bisou quand même ;)

 

11 déc, 2012 18:28:44

(nana)

 

Ok la prochaine fois je ferai croire à ma mort pour avoir un bisou ou un miaou lol. Bon je ne vais pas tarder à aller à la trompette. J'ai mis une quiche en route. Bisous.

 

11 déc, 2012 18:54:42

(mec courroucé)

 

Pourquoi ça m'étonne pas que tu m'écrives ça? La prochaine fois je t'envoie juste un “miaou” et tu sauras pas que j'étais en train de t'envoyer un SMS ;)

 

11 déc, 2012 19:00:07

(nana interloquée)

 

Euh mais je plaisantais. Qu'est-ce que j'ai dit de mal?

 

11 déc, 2012 19:17:03

(mec qui ne sait pas faire preuve de finesse)

 

Si tu plaisantais, alors rien...Mais la confiance n'exclue pas le contrôle. Mes SMS sont un peu espacés mais je suis en train de me préparer. Je vais pas tarder à décoller. Le poker commence à 20h. Mais on a possibilité de manger au cercle mixte ce soir. Bisous et bon appétit belle blonde. Je te textote quand je pars.

 

11 déc, 2012 19:26:51

(nana qui n'a pas digéré une phrase qu'elle ne comprend pas et en fait un drame)

 

Ca veut dire quoi la confiance n'exclue pas le contrôle? J'avoue que je ne comprends rien :( j'étais toute contente et de bonne humeur et je n'ai pas cherché un instant à agresser qui que ce soit :( je rebondissais juste en rigolant sur le “qd j'ai vue que tu étais en vie” ke g trouvé marrant. C'est tout. Ouin. Je comprends pas là :( tant pis je v manger. Passe une bonne soirée avec tes amis. Bisous

 

11 déc, 2012 19:48:39

(mec qui a envie de passer à autre chose – le poker notamment)

 

Rien, rien. J'ai mal lu ton SMS (mais vraiment mal, là je viens de le relire). C'est de ma faute, je suis désolé.

 

11 déc, 2012 19:48:43

(mec qui n'a pas eu de réponse)

 

Bon, c'est l'heure, j'y vais. Bisous beauté.

 

 

11 déc, 2012 20:16:18

(mec sans réponse toujours et commence à se dire que ça sent mauvais)

 

Bon, ça commence, j'éteins le portable. Bisous et bonne nuit. Et encore une fois désolé si je t'ai froissée.

 

11 déc, 2012 21:49:38

(nana qui a bien fait la gueule toute la soirée et répond sans chaleur)

 

Passe une bonne soirée avec tes amis. Je vais dormir je suis crevée, je n'en peux plus de sommeil. Bisous et à demain.

 

12 déc, 2012 03:37:59

(mec. Sms reçu par la nana qui a allumé son portable dans la nuit)

 

C'est la pause. Fais de beaux rêves. A demain.

 

12 déc, 2012 03:38:03

(mec qui se dit qu'un sms supplémentaire ne serait pas superflu vu le climat)

 

Dodo time. Je t'envoie quelques bisous pour accompagner ta nuit.

30 octobre 2012

La théorie du complot à l'hôpital

Je n'aime pas me rendre à l'hôpital.

Etant de nature anxieuse et un peu hypocondriaque l'hôpital me rend nerveuse et parfois au bord du malaise. Un bord que j'arrive à ne jamais franchir, notamment parce que j'élabore des stratégies.

La première c'est de toujours repérer la sortie.

On est dans une salle d'attente, je repère la sortie par les escaliers, je repère aussi la fenêtre et son échappée vers le monde extérieure. La sortie ce peut-être tout simplement aussi les toilettes. Les toilettes, y a que ça de vrai. On s'y enferme, on peut y respirer tranquillement sans pour autant alerter les gens qui vous entourent.

J'ai horreur de me donner en spectacle et mes malaises ne sont jamais dictés par l'envie de me faire remarquer. Au contraire, moins on me voit, mieux je me porte (ce qui d'ailleurs dans mon métier a longtemps été un problème pour moi qui suis le spectacle vivant de plusieurs centaines d'élèves par semaine).

Et puis, il faut le dire, l'hôpital ne fait rien pour mettre à l'aise.

Il y a l'odeur, il y a les patients (dont les pansements et l'état souffrant fait mal rien qu'à voir), et il y a surtout l'environnement. Et l'environnement, comme à l'école, ce sont les murs et ce qu'on y met.

C'st bien simple, à lire ce qu'on y placarde, la vie est en permanence un gouffre de maladies dont on peut pourtant aisément se prévenir, pourvu qu'on soit raisonnable.

La leçon numéro 1 est donnée par ces affichettes où on vous apprend à vous laver les mains. Un distributeur de gel antiseptique à côté. Il est même bien spécifié que vos bijoux sont couverts de bactéries. L'hôpital n'aime pas les bijoux.

La leçon numéro 2 concerne bien évidemment les drogues. On vous dit que le tabac ça fait mal et vous pouvez, si vous le voulez, remplir un espèce de questionnaire qui va définir si vous avez des chances de mourir d'un AVC dans les années qui vont suivre. Soulagement quand vous n'avez pas à cocher "l'un des membres de votre famille a eu un accident vasculaire cérébrale avant 45 ans", angoisse quand vous cochez "vous fumez depuis plus de 3 ans".

La leçon numéro 3 c'est le non maîtrisable, c'est à dire la maladie, qu'elle soit ou non déclenchée par votre amour des drogues ou dûe au manque de bol. Le dépistage en tout genre est vivement recommandé: il faudrait passer son temps à se toucher les seins et à chier dans une éprouvette pour au moins éviter d'avoir un cancer du sein ou du colon à un stade trop avancé pour le soigner.

Et le summum c'est la télé dans les salles d'attente. Surtout quand elle diffuse "le journal de la santé" ou bien une émission à la con sur France 2 parlant de ces personnes qui ont eu un cancer du sein avant 30 ans. Ce qui fait dire à mon fils:

"tu as de la chance maman, toi tu as 36 ans et tu n'as pas encore eu de cancer du sein".

J'ai demandé à la secrétaire qu'ils changent de chaine parce que là non vraiment c'était trop déprimant. L'instant d'avant sur France 2 ils parlaient du racisme, et il y a avait un couple de vieux dont la femme s'est mise à dire, laconiquement, à son mari:

"tu sais, c'est là où ils parlent du racisme".

Une dame est passée dans le couloir, avec son fils, elle était grosse. La vieille a dit à son mari:

"tu as vu comme elles est grosse?"

C'est absolument enthousiasmant.

Heureusement qu'avec la secrétaire (très communicative), on s'est trouvées plein de points communs, notamment la déglutition infantile du petit, l'amour de nos hommes pour la tranquillité et nos critères d'éducation. A un moment donné elle m'a dit que son mari ne voulait pas d'autre enfant (ils en ont un) et j'ai eu la bêtise de répondre:

"il va peut-être changer d'avis" (ce qui est du même ordre que le "c'est l'émission où il parle du racisme" de l'autre vieille).

Elle m'a dit que non, et elle m'a demandée si il fallait qu'elle change d'homme. J'ai failli lui répondre que oui, que ce faisant elle augmentait ses chances d'avoir une descendance plus nombreuse, mais je n'ai pas osé.

Au moment où mon fils était au bloc, j'ai entendu un hurlement d'enfant... j'ai demandé "mais c'est le mien"? à une dame qui attendait avec moi, tout mon corps s'est tendu (j'ai repéré la sortie et les toilettes, encore une fois). Et là, comme mue par un ressort, la secrétaire est arrivée et m'a dit: "non non ce n'est pas le votre, c'est un petit qui se fait couper le zizi vous savez? (allusion à un fymosis ou à une circoncision de type religieux), c'est quand on leur enlève le pansement..."

Joie.

 

28 octobre 2012

3 mois ou l'enfer

Il est militaire et il est parti 3 mois en déplacement.

Avant de partir il a dit:

"Mais non ça va vite passer"

Elle répondu:

"Tu rigoles, c'est interminable!"

Il a dit:

"Mais pourquoi tu pleures? Puisque je reviendrai".

Son interprétation de ses émotions à elle est toujours la même. "Ce n'est pas grave..." - "il n'y a pas lieu de..." - "tu exagères...".

En revanche elle, elle attend: "Oui je comprends tes émotions, ce n'est pas évident pour toi..." - "Pleure ma doudou, ça va te faire du bien, je sais que ce n'est pas facile..." - "pour vous les femmes ce n'est jamais facile..."

Elle est une femme incroyablement simple. L'interrupteur de désamorçage de ses émotions et inquiétudes est bien rouge, bien gros, et il est facile d'appuyer dessus avec des mots carressants et des gestes tendres.

Un "toi aussi tu me manques " en réponse à "tu me manques" par exemple suffirait à la confondre d'aise pendant toute une soirée. Au lieu de ça elle obtient (si le "tu me manques"  a été dit au téléphone), un "oui oui" coincé suivi d'un silence, le sien (qui est de l'ordre de l'attente et du dépit) et de celui de l'homme (qui trahit l'embarras du mec qui n'ose pas dire qu'elle ne lui manque pas et qu'il se trouve bien dans son Oûtre Mer). Si le "tu me manques" a été envoyé par sms, elle aura un:

"bisous beauté"

ou un:

"miaou" (un petit code inventé par lui pour éviter de dire je t'aime)

ou alors un:

:)


S'ensuivent généralement plusieurs heures de pure inquiétude féminine (pendant que l'autre, de son côté, soit se rendort, soit continue à bosser, soit se remet à son ordi ou se remet à discuter avec son pote de chambre, ou bien reprend le bouquin qu'il avait momentanément laissé sur sa serviette de plage). L'inquiétude prend des proportions inquiétantes. On en mesure l'intensité au nombre de cigarettes consumées en l'espace de 2 heures. Le téléphone portable est d'abord consulté toutes les 5 minutes, puis jeté de rage au loin (mais sur le lit ou le canapé, de peur de le casser), puis mis en silencieux afin d'éviter l'attente de la sonnerie, et enfin éteint.... rallumé au bout de 10 minutes, rééteint.

Pendant qu'elle se morfond à élaborer des stratégies d'éloignement purement factice destiné à éveiller sa jalousie à lui ou ne serait-ce qu'un embryon de "besoin" affectif, il est toujours dans son bouquin, sur son ordi et le temps passe relativement vite. Elle a épuisé son cerveau, il a économisé le sien, elle a construit mille hyptohèse, la seule qu'il ait vaguement construite et instantanément mise de côté et oublié c'est un "j'aurais peut-être dû lui répondre moi aussi, elle va mal le prendre". Et encore on peut dire que cela fait peut-être aussi partie de ses hypothèses à elle.

Le temps passe, il est l'heure pour lui d'aller se coucher. Il lui envoie un:

"dodo time pour bibi, je vais me coucher. passe une bonne nuit beauté, bisous".

Qu'elle reçoit alors qu'elle a épuisé son paquet de clopes et ses hypothèses à milliers.

Il pose la tête sur l'oreiller, et s'endort avant d'arriver à compter jusqu'à zéro.

Elle se tourne et se retourne dans son lit, s'endort, se réveille à 2h, s'énerve parce qu'elle n'arrive pas à se rendormir et que les pensées dans son cerveau s'imbriquent comme les dominos d'une partie de tétris sur la game boy, et qu'ils s'imbriquent mal.

Les 3 mois sont une alternance des moments où il va faire de la rétention d'affection et la maintenir en respiration artificielle par des sms constants, réguliers mais dont le contenu est de l'ordre du minimum syndical en terme de mots tendres, et des moments où il va soudainement se réveiller, lui envoyer deux cartes postales tendres, lui demander des photos, lui en envoyer quelques unes où il va se trouver moche (mais il envie de lui faire plaisir...).

Elle ne comprend pas sa courbe dans l'expression des besoins et des émotions. Sinusoïdale.

La sienne en revanche est tellement constante.

Du coup lorsqu'il se réveille, elle le suit et se sent tellement légère, elle répond tendrement, elle répond à ses besoins à lui (et aux siens propres également puisqu'ils se mouraient dans un désert affectif. On n'a pas idée de ce qu'un torrent d'eau fraiche parvient à faire à des plantes laissées pour mortes et enterrées).

Et puis il retombe dans son minimum syndical.... pour x raisons qu'elle ne connaîtra jamais (mauvais humeur passagère, besoin de se retirer dans sa grotte, marre de la cohabitation avec les autres, prise de tête avec son chef ou tout simplement épuisement de ses besoins).

Et les hypothèses reviendront s'imbriquer dans un tétris niveau très avancé, une partie perdue d'avance tant le rythme est soutenu. pas le temps d'en recevoir une qu'une autre arrive alors qu'elle n'a pas encore "casé" intelligemment celle d'avant.

C'est l'enfer.

Vécu de cette manière c'est l'enfer oui.

Et un jour où elle le lui reproche il lui dit:

"mais je ne veux pas être pour toi un sujet de préoccupations..."

Et il lui dit:

"moi je ne m'inquiète jamais tu sais?"

Et la boucle est bouclée, on revient au point de départ, ce "moi je" qui incite à suivre un exemple, le sien.

C'est tellement plus simple de demander aux autres qu'ils veuillent bien vous suivre plutôt que de faire l'effort de suivre les autres dans leurs différences et leur complexité.

Mais voilà, c'est lui. Et elle lui pardonne, encore et encore, parce qu'au fond elle sait aussi où sont ses tords à elle (qu'elle reconnait mille fois toujours avant de s'endormir), elle sait où sont ses qualités, elle sait qu'il reviendra, reprendra "forme humaine", ôtera ce brouillard d'incertitudes et d'hypothèses dans lequel elle l'a enfermé pendant 3 mois.

 

17 mai 2012

l'APC

Une réunion de boulot, c'est chiant. Je pense que tout le monde est d'accord, ou presque, car il y a les profs qui ont, selon une expression de ma copine prof de physique - chimie, "pignon sur réunion".

En salle des profs, ces derniers râlent, comme tout le monde, parce que bon oui, il faut râler, se mêler au choeur populaire, mais aussitôt assis face à notre administration, on les sent alertes, les oreilles tendues comme des coupoles de radar, prêts à bondir, discutant les chiffres, donnant leur point de vue sur tout, entamant le débat, qui sur "quand faut-il que les 3èmes fassent leur stage?", qui sur "les conseils de classe à 16h?", on les sent à l'aise, ils prennent la parole sans rougir, se font entendre, ils ont des voix qui portent, des idées bien affirmées qu'ils défendent coriacement.

Tout mon contraire.

Mais voilà, face à l'intendante, même les "pignons sur réunion" se taisent et regardent leur montre, voire "oh mon Dieu!" se mettent à bavarder.

Intendant, quel métier.... Lors de réunions il faut parler des chiffres et de concepts échappant à tout le monde. Et là il fallait qu'elle nous annonce qu'il y avait des changements en compta, une espèce de grosse réforme à la noix, et elle s'est mise à nous balancer des tableaux qu'on voyait à peine, des encadrés, des catégories qu'elle nommait A - B - C. A un moment, face à l'indifférence générale, elle a eu un mouvement de découragement et d'agacement. On avait envie de lui dire "écoute, c'est ton boulot, à la limite tu peux réserver ça au CA, pas à une réunion de rattrapage de lundi de pentecôte - ex jour férié que l'on s'acharne à préserver - et puis voilà;, va dîner tu nous emmerdes."

D'autant plus qu'au fond, au dernier rang, ça se moquait. Y en a un qui s'est mis à l'imaginer en sortie camping. Il faut dire que l'intendante, chez nous, n'est pas des plus avenantes et des plus sexy. A chaque fois qu'on se rend dans son bureau, elle pousse un soupir du style "vous allez m'emmerder". C'est encourageant. Déjà que nous, les chiffres... Alors il y en a qui se vengent. Et la réunion est une belle occasion.

L'intendante a une caractéristique: elle ne finit jamais ses phrases et ne vulgarise pas ses termes obscurs. Ce qui finit par rendre ses pseudo explications complètement hermétiques et fortement ennuyeuses. On a entendu le sigle APC 10 fois et chaque fois on s'est demandés ce que c'était.

Ce qu'on sait, c'est qu'à chaque fois qu'on lui demande un truc, elle aboie "y a plus de sous".

Vidéopro? plus de sous!

Tableau blanc? "plus de sous!"

Voyage scolaire.... "plus de sous!"

Et ça la rend franchement antipathique.

Il faut quand même avoir une sacré vocation pour faire ce métier et vivre constamment dans un contexte de crise et de restrictions budjétaires.

Mais ça ne nous dit pas ce qu'est l'APC, et ça ne répond pas à la question du prof à droite qui se demande comment c'est de passer ses vacances en camping avec elle.

Le concierge, lui, saurait le dire peut-être, puisqu'à chaque fois qu'elle passe devant sa loge il sort un "tiens j'en aurais long à dire sur elle aussi!" plein de hargne et de mystère pour une personne qui, de par sa profession et son look, échappe complètement à la notion de mystère (qui est un mot plein de charme et de brouillard immaculé...).

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17 février 2012

sait koi se torchon?

Le collège est l'ennemi de la routine et de l'ennui.

Tous les jours quelque chose de nouveau.

Remarquez, on demeure plutôt alerte. On se fatigue, oui, mais allez c'était un peu prévu non? D'ailleurs quand on passait le capes, au moment des épreuves, on savait qu'un jour un élève rendrait une copie blanche où il aurait inscrit en évidence: "sait koi se torchon?" parce que la photocopie était un peu abîmée....

 

17 février 2012

La foire aux feuilles

J'ai remarqué un phénomène assez typique de nos classes de collège. La foire aux feuilles.

Quand on arrive, avec le contrôle (à prononcer avec le o ouvert), et qu'on leur dit: "prenez une feuille", on appuie sur un interrupteur assez chiant.

Celui qui déclenche la foire aux feuilles.

Il y a ceux qui n'en ont jamais, ceux qui n'ont que des doubles, et ceux qui n'ont que des simples.

Souffle alors un vent incontrolable dans une classe soudain déchainée. Face à vous des élèves se levant pour aller chercher une feuille à 2 kilomètres de lui (ses voisins immédiats se sont lassés depuis longtemps de lui en donner). Ceux là préfèrent  généralement les vols long courriers, ça permet de se lever, d'échanger au passage deux ou trois informations avec deux ou trois potes stratégiquement placés.

Ajoutez à cela les:

"madame, simple ou double?"

Question à laquelle vous voudriez répondre.

Mais votre voix se perd dans un brouhaha. Vous êtes la seule à entendre votre:

"simple ou double peu importe, ce que vous avez".

Par conséquent la question revient, plusieurs fois, jusqu'à ce que, de rage, vous écrivez au tableau:

"SIMPLE OU DOUBLE PEU IMPORTE"

Ce qui a le mérite de les faire rire.

 

Il y a aussi le phénomène du pourvoyeur de feuilles. Celui qui en a toujours, et qui en donnera toujours, et plus la classe est composée de cancres, plus le nombre de pourvoyeurs va se réduire. parfois à un seul, qui donnera ses feuilles, presque heureux de ce statut éphémère puisque pour une fois, pendant 5 petites minutes, il aura un rôle dans sa classe et on lui parlera autrement que pour le "traiter".

Il m'est arrivé, en désespoir de cause, de réaliser des contrôles "décroissants". Sans feuille à prendre. Tout est fait sur la photocopie. Mais quand on veut avoir la paix pendant une heure, difficile de tout caser sur une photocopie recto verso en ménageant des espaces d'écriture.... Alors il faut choisir: entre la foire suivie de 55 minutes de paix et l'ordre suivi d'une paix raccourcie de 30 minutes....

 

20 janvier 2012

épatons-nous

En l'espace de quelques minutes, et en ouvrant deux pages sur internet j'ai:

réussi "à perdre un peu plus de 11 kilos en 4 semaines en suivant cette méthode simple"

joué "au poker online"

lu "le site qui changera toute votre vie" et qu'il faut prendre la peine de lire jusqu'au bout "(c'est gratuit)"

téléchargé le "scanner déshabillant" sur mon téléphone portable (ça m'évitera de demander poliment aux hommes de se mettre à poil).

mais je n'ai pas réussi à regarder mon film en streaming.

Ce qui était le but premier de ma venue sur internet.

Et après je m'étonne des exploits de mes élèves en terme de concentration sur une seule et même activité... A lire évidemment avec l'ironie qui s'impose (et le grincement des dents qui va avec ainsi qu'avec toute l'aigreur dont les profs sont capables aujourd'hui.....hi hi hi)

 

 

7 janvier 2012

La Réunion bis

La question que je me suis posée le plus souvent: "qu'est-ce que tu ressens là?"

Qu'est-ce que tu ressens? Tu te trouves à 9000 kilomètres de chez toi.... Tu as traversé des mers, et un Océan pour arriver là, tu ne ressens rien?

Je passais en revue les bruits...

Il y eut les oiseaux, mais il y eut aussi les enfants. Des enfants partout, jouant, riant, se disputant, dans un méli mélo de criailleries. J'ai ensuite mieux compris le mot "marmaille" employé par les réunionnais pour désigner ceux qu'on appelle ici des gosses, des minots, des gamins.... 

Puis il y eut les chiens. Des aboiements, des hululements, le matin, le soir, dans une nuit chaude et enveloppante... des ombres maigres évoluant piteusement au bord des routes.

Qu'est-ce que tu ressens par rapport à ça? De l'étonnement. Pourtant tu as vu l'Italie et ses chats faméliques, alors pourquoi La Réunion n'aurait-elle pas ses chiens errants? Parce que c'est la France, et qu'en France on contrôle l'errance. Mmmmm disons qu'en France on ne tolère plus ces images renvoyant à la misère. Qu'elle soit animale ou humaine. Alors on cache, on euthanasie. A La Réunion on s'emmerde moins avec les "il faut" et "on doit". C'est en tout cas l'impression que j'ai eue en 10 jours.

Dix jours fugitifs. Passés comme un soupir, ou plutôt passés en un soupir d'aise et de détente.

Dans tout séjour il y a des moments phares, des minutes suspendues, des impressions qu'on imprime et qu'on range soigneusement pliées dans un tiroir où on les déplie juste quand on en a envie.

Le soir, dans mon lit, j'en déplie quelques unes avant de dormir. Il m'est arrivé d'essayer de me transporter là bas, d'écouter, de sentir, comme si j'étais sur la plage...

Mais j'ai du mal à me réchauffer ici, j'ai froid, souvent, j'en ai ras le bol, trop souvent, j'ai aussi rouvert le tiroir des conneries édictées par ceux qui pensent pouvoir dissimuler la misère de notre contexte sociale actuel... et il en est sorti une haleine fade et sans intérêt....

Alors oui, La Réunion en ce moment c'est un peu ma bouée de sauvetage, mon petit vent chaud, mon soleil, celui qui réchauffe les pieds gelés, les idées grises, les jours mi figue mi raisin, les petits matins noirs et les réunions sans fondement.

 

 

 

6 janvier 2012

La Réunion

Dans la voiture il m'a dit qu'on n'était finalement pas si dépaysés par cette île. Des centres commerciaux, une autoroute et une signalétique française.

Des cocotiers. A Hyères oui il y a des palmiers c'est vrai. On peut peut-être se sentir moins dépaysés que quelqu'un qui habite à Boulogne sur mer.

Mais il y avait cet énorme bloc, cette énorme et gigantesque roche noire tombant à pic dans un océan menaçant. Cette énorme roche noire à laquelle on avait attaché la voie rapide, et ces filets dressant une protection efficace contre la chute des monstres noirs. Il y avait la couleur de l'eau, tellement claire, cette chaleur moite qu'on percevait cruellement quand on débarquait de Métropole.

Les oiseaux. Je m'en suis aperçue tout de suite. Le chant inégalable d'oiseaux que jamais je n'avais entendus avant. Je me suis demandée si il s'agissait de perruches, ignorantes que je suis, mais non, ce sont des oiseaux, c'est tout, et ils chantent, fort, en grand nombre, un chant apaisant, un chant qui détend, un chant qui fait comprendre, plus que l'été tropical, le nombre de kilomètres effectué en 11h de vol... la distance parcourue, la chance que l'on a d'être ici, même momentanément, parce qu'il y en a qui ne viendront jamais, et n'entendront jamais ce chant.


Le chant de cet oiseau sur la plage, comme un roucoulement doux, et le coucher de soleil, si rapide, et l'ombre des corps qu'on ne voit plus que comme un point noir au dessous de nous.

Le dépaysement n'est pas violent à La Réunion c'est vrai, et tout dépend de ce qu'on entend par dépaysement. Un mot qui évoque surtout le malaise initial ressenti par un voyageur dont on a détruit les habitudes de vie.

En fait dans cette île, j'ai enfin ressenti, pour la première fois, l'énorme distance laissée entre mon travail et moi même. Dans le lagon, sous l'eau, j'avais l'impression d'être libre. Libre de toute chaine. Pas de chiants. Les médiocres relégués dans un autre monde où ils découvraient leurs jouets sous le sapin, et les principes à la con régissant notre métier enfermés dans une salle de classe que j'aurais bien voulu ne jamais rouvrir en janvier.

 

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muta d'accento e di pensiero
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